15 juil. 2015

Essai de bilan moral/intérieur de 4 ans d'itinérance



Cet article est une tentative de faire un petit bilan moral/intérieur de mon voyage, de révéler quelques réflexions, pensées, enseignements, questionnements, confidences, états d'esprit, etc. Cela fait au moins 6 mois que j'ai posé l'intention de l'écrire, mais c'est une tâche qui m'est ardue et complexe. Il reste encore beaucoup de zones de flou, de difficultés à trouver les bons mots pour exprimer mon cheminement. J'aurais préféré le publier sous une forme plus travaillé, plus élaborée, plus claire, qui laisserait moins de place à d'éventuelles incompréhensions, mais j'ai du mal à trouver l'énergie et la clarté d'expression pour arriver au résultat que je voudrais obtenir.
J'accepte donc de revoir mon degré d'exigence, et je vous le livre dans l'état dans lequel il est aujourd'hui, et dans la limite de ce que je me sens prêt à dévoiler ici. Bonne lecture et merci d'avance de votre indulgence.

A Champaussel, mon lieu de prédilection pour écrire...

5 juil. 2015

Pierre Rabhi: "Nous avons dépoétisé nos sociétés."

Voici une rencontre/interview de Pierre Rabhi, que j'ai trouvé sur internet. J'ai été tout autant attiré par le titre que par la personne, Pierre Rabhi, ce monsieur bien connu du monde des alternatives: paysan, philosophe, écrivain et pionnier l'agro-écologie, initiateur du mouvement des colibris, et incarnant les concepts de décroissance, de simplicité volontaire et de sobriété heureuse.
Pour en savoir plus sur Pierre Rabhi, vous pouvez consulter ces liens: ici et .



Loin des villes et de leur culture hors-sol, il a trouvé son coin de paradis. A 76 ans, le paysan et essayiste Pierre Rabhi s’émerveille toujours devant la splendeur de la nature.

Sa première rencontre avec la beauté, Pierre Rabhi l'a faite aux portes du désert, dans la petite oasis du Grand Sud algérien où il est né en 1938, dans « une nature qu'on pourrait croire désolée, dominée par le minéral, mais qui offre un silence unique et vous rapproche de l'absolu ». Quelques années plus tard, le fils de forgeron devenu pionnier de l'agroécologie et paysan poète a retrouvé ce silence perdu en Ardèche.
C'est là, dans son discret paradis de Montchamp, qu'il s'est installé avec sa femme, Michèle, précisément pour la beauté d'une ferme perdue dans la nature sauvage. Et parce que, aime-t-il à répéter, on ne devrait jamais brader « son droit à la beauté ».

Le choix de Montchamp
« Je trouve très fort de vivre sans beauté. J'ai pour ma part toujours refusé de brader mon droit à la beauté. Il y a plus de cinquante ans, ma femme et moi avons choisi notre lieu de vie, Montchamp, précisément pour son harmonie. Perdue au sommet d'une montagne de l'Ardèche, cette ferme nous comblait de silence, d'air pur, de mystère aussi, en dépit des obstacles “objectifs” : il n'y avait ni électricité ni eau courante, un chemin à peine praticable par temps de pluie, un sol sec et rocailleux...
Quand j'ai présenté mon dossier aux agents du Crédit Agricole pour obtenir un prêt, ils ont été interloqués. Selon leurs critères, il fallait de la bonne terre, de l'eau, un lieu facile d'accès. La beauté, ils s'en fichaient complètement. Il fallait souscrire à tout prix à des critères de rentabilité.
Peu de gens ont compris notre choix. En nous y installant, nous étions pauvres comme Job, mais, heureusement pour nous, nous avions une petite forêt. Un jour, je rencontre un type dans un bistrot du coin et nous décidons de nous aider mutuellement à couper du bois.
C'est ainsi que nous nous retrouvons, après des heures de travail harassant, devant un magnifique coucher de soleil, flamboyant, et un arbre dénudé qui se découpe sur l'horizon. En extase devant ce panorama extraordinaire, je me tourne vers mon compagnon, pour lui faire partager mon enthousiasme. Et lui me répond : “Ah oui, il y a au moins dix stères !”
Je ne dis pas qu'il faut absolument chercher des lieux sans électricité pour s'y installer. C'est l'histoire d'une quête personnelle. A Montchamp, Michèle et moi avons trouvé beauté et mystère. Ces deux éléments sont liés pour moi. Ils constituent la racine, la source de notre existence. »

La vie en boîte
« La civilisation moderne est assoiffée de beauté mais y a très peu accès. A force de construire des objets, des maisons, des immeubles sans âme, nous avons dépoétisé nos sociétés. Nous avons aussi perdu l'accessibilité à ce faste de la nature, des arbres, des animaux qui nous a pourtant été gracieusement offert. Certains font l'éloge de la beauté de la ville. Mais moi qui suis né dans le désert, ce vaste gouffre horizontal où j'avais l'impression que les caravanes s'abîmaient, j'y ai vécu de tels moments d'exaltation et de liberté que je suis devenu inapte au confinement urbain.
Les cités modernes, ces amas de matière minérale, nous condamnent à vivre “hors-sol”, avec quelques arbres qui s'ennuient ici ou là, et des habitants qui, consciemment ou pas, éprouvent une forme de frustration vis-à-vis de la nature. On compense comme on peut, on adopte des chats ou des chiens, on cherche ailleurs des compléments d'âme. Et on se “divertit” pour mieux oublier que nous sommes incarcérés.
Les mégapoles que nous avons créées atteignent un niveau de concentration humaine alarmant, avec des cités qui ressemblent plus à des casiers de rangement qu'à des habitats. On y stocke le matériel humain, qui est ainsi à disposition pour aller travailler. Il n'y a qu'à observer l'itinéraire d'un individu dans la modernité urbaine : de la maternelle au lycée, qu'on appelle le “bahut”, de logements souvent exigus aux “boîtes” dans lesquelles on travaille, sans oublier les “boîtes” où l'on s'amuse et où l'on va en “caisse”... On ne s'est pas préoccupé d'organiser la ville pour que la condition humaine y soit digne. Et on a oublié qu'une cité devrait aussi nous nourrir en beauté. »

Les technocrates de l’écologie
« Le discours écologique actuel est très factuel, “pratico-pratique”, scientifique, comme si on n'osait pas parler de cette beauté dont nous avons pourtant besoin pour nous épanouir. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles l'écologie politique ne rallie pas tant que ça. Si on n'est pas sensible à la terre, aux végétaux, on devient un technicien de l'écologie, on emploie un langage neutre et rassurant, fait d'“environnement” et de “développement durable”. Mais il faut pouvoir parler de cette beauté spécifique de la nature qui nous enchante, nous fait vibrer. Nous avons besoin de nous nourrir de sa splendeur, de son mystère, et pas seulement de ses aspects matériels, pratiques, biologiques. »

Ode aux bricoleurs
« L'obsession pour le pratique, l'efficace, le rentable a tout envahi. Face aux “zadistes” de Sivens ou de Notre-Dame-des-Landes, qui luttent contre la destruction des biotopes mais aussi contre l'enlaidissement du monde, les autorités répondent : “vous n'êtes pas rationnels, construire un barrage, un aéroport, c'est pratique”. Comme si la beauté n'entrait pas en ligne de compte. Tout ne doit pas être bradé pour l'accroissement du produit national brut. Pourquoi veut-on absolument bétonner les alentours de Nantes avec un aéroport plutôt que de préserver un patrimoine naturel vivant qui est notre bien commun ?
Heureusement, je vois de plus en plus de signes d'espoir dans le bouillonnement actuel de la société civile, de tous ceux qu'on nomme les “bricoleurs” de la périphérie. C'est un laboratoire où s'expérimentent toutes sortes de “possibles” pour demain et qui disent : je veux éduquer autrement, construire ma maison autrement, utiliser l'énergie autrement, me nourrir autrement... C'est un territoire fertile en innovations qui cherchent à retrouver de la cohérence, à recréer un autre rapport esthétique, éthique au monde ».

5 juin 2015

Extrait de "Lettres à un jeune poète" de R. M. Rilke

Voici un texte que j'avais envie de vous partager et diffuser, extrait du livre "Lettres à un jeune poète", de Rainer Maria Rilke. Il m'avait été donné par une personne très peu de temps avant que je ne commence mon voyage à vélo l'été 2011. Il était tout à fait d'actualité à l'époque, et il me fait encore beaucoup écho aujourd'hui.


"Réjouissez-vous de votre marche en avant; personne ne peut vous y suivre.
Soyez bon envers ceux qui restent en arrière, sûr de vous et tranquille en face d'eux.
Ne les tourmentez pas avec vos doutes. Ne les effrayez pas par votre foi, par votre enthousiasme: ils ne pourraient comprendre.
Cherchez à communier avec eux dans le simple et dans le fidèle: cette communion ne doit pas nécessairement subir les mêmes transformations que vous.
Aimez en eux la vie sous une forme étrangère.
Ayez de l'indulgence pour ceux à qui l'âge fait redouter cette solitude à laquelle vous vous abandonnez.
Evitez de nourrir le drame toujours pendant entre parents et enfants; il use tant la force des enfants, et il épuise cet amour des vieux qui n'a pas besoin de comprendre pour agir et pour réchauffer.
Ne leur demander pas conseil. Renoncez à être compris d'eux.
Croyez seulement en un amour, qui vous est gardé comme un bien d'héritage. Soyez certain qu'il y a dans cet amour une force, une bénédiction qui peuvent vous accompagner, aussi loin que vous alliez."

"Il meurt lentement...", un texte de Pablo Neruda

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.

Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d'émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les cœurs blessés.

Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu'il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n'a fui les conseils sensés.

Vis maintenant !

Risque-toi aujourd'hui !

Agis tout de suite!

Ne te laisse pas mourir lentement !

Ne te prive pas d'être heureux !

PABLO NERUDA, prix Nobel de littérature 1971

10 juil. 2014

Le réseau REPAS


Article en grande partie issu du site internet http://www.reseaurepas.free.fr/

Nous sommes un réseau d'entreprises en France qui se reconnaît dans le champ de l'économie alternative et solidaire. Nous expérimentons de nouveaux rapports au travail, des comportements financiers plus éthiques et plus humains, de nouvelles relations producteurs - consommateurs et des présences engagées sur nos territoires.


Le R signifie réseau.
Le réseau tisse des liens et permet les échanges de manière horizontale et évolutive. Il se modifie en fonction des projets et des rencontres. Une cinquantaine d'entreprises ont participé aux rencontres du réseau dont une trentaine régulièrement depuis plusieurs années.

Le E signifie échanges.
C'est pour cela que le réseau est né en 1994 : le but des rencontres des entreprises du réseau est de confronter leurs expériences, questionner leurs pratiques avec des "pairs" engagés dans des actions de culture proche.

Le P signifie pratiques.
C'est peut-être le mot le plus important. La légitimité de nos entreprises, de leur témoignage et de leur existence est dans la mise en route réelle et concrète de pratiques alternatives et solidaires.

Le A et le S signifient alternatives et solidaires.
Alternatives car nos pratiques chantent un petit air qui se démarque du grand orchestre de la mondialisation-marchandisation-économicisation du monde…
Solidaires car elles privilégient l'association des individus, la mutualisation des projets et des biens et la coopération entre les hommes plutôt que l'individualisme, la privatisation et la compétition.

Depuis une quinzaine d'années, le Réseau d'échanges et de pratiques alternatives et solidaires regroupe une trentaine d'entreprises dans toute la France. Celles-ci ont concrètement mis en œuvre des pratiques économiques qui ont d'autres objectifs que le profit, la course à la consommation ou le tout à l'économie et qui inscrivent leur sens dans le concret de pratiques libres et solidaires. Elles se reconnaissent d'une culture commune bien qu'elles aient des métiers différents : lorsqu'elles sont dans l'agriculture, elles créent une structure collective regroupant des partenaires autour d'une production diversifiée et une commercialisation associant les consommateurs. Lorsqu'elles sont dans la transformation d'une ressource locale, elles adoptent des structures coopératives et stimulent le développement économique et social dans leur environnement en générant ou participant à un foisonnement d'activités. Lorsqu'elles sont dans le culturel ou le social, elles mettent en œuvre des modes de management déhiérarchisés où chacun est une personne avant d'être une performance.
Le réseau est ouvert et s'enrichit régulièrement de nouvelles rencontres.
Les structures du réseau ont ressenti le besoin de se réunir pour mieux se connaître mutuellement et échanger sur leurs pratiques. Pour cela, elles ont, dès la création du réseau, organisé des réunions bisannuelles sur le site d'une des entreprises autour d'une thématique proposée par la structure d'accueil (selon les pratiques de l'éducation populaire). Cela a permis de faire en quelque sorte un tour de France des alternatives. Les thématiques abordées sont très variées, en fonction des préoccupations du site d'accueil : l'argent, l'usure des équipes, l'organisation, la transmission entre fondateurs et suivants, l'éducation populaire etc.
Ces rencontres ont permis de prendre conscience que ces initiatives sont porteuses d'un capital d'expérience exceptionnel qui peut être profitable à d'autres autant dans le domaine de la réflexion que de l'action.

L'association REPAS œuvre principalement sur 2 grands pôles :

- la formation compagnonnage que j'ai suivie en 2014 (cf article dédié)

- les éditions REPAS, à travers la collection « Pratiques utopiques », qui publient des livres de témoignages d'expérience alternatives et solidaires


9 juil. 2014

Le compagnonnage REPAS


Les structures du réseau étaient régulièrement sollicitées, pour témoigner de leurs expériences, par des porteurs de projets, des étudiants, des institutions,... Pour répondre correctement à ces demandes, elles manquaient de cadre et de disponibilité.
Pour ces personnes qui souhaitent mûrir un projet, ou s'évaluer au contact de la réalité et de l'expérience d'autres qui ont fait le chemin avant eux, l'idée est alors venue de proposer une sorte de " compagnonnage " dans les structures du réseau. Le principe est d'ouvrir les entreprises aux intéressés et de mutualiser leur accompagnement via un comité de pilotage réunissant au moins un représentant de chaque structure participante.

Pour le réseau REPAS, ce compagnonnage permet à la fois :
- de répondre à une forme de devoir de témoignage, pour encourager d'autres initiatives, en démontrant qu'il est possible d'entreprendre autrement
- de répondre en partie aux questions de création d'emplois et d'embauche, en rencontrant de potentiels futurs partenaires, et en les formant à la culture coopérative, plutôt qu'en achetant de la compétence et de l'expertise

Déroulement du compagnonnage

La formation s'étale sur 5 mois. Elle alterne des périodes d'immersions en entreprises, des regroupements et des groupes-actions.

Les immersions :
L'immersion est un temps de séjour dans une entreprise, d'une durée de 5 semaines. Il s'agit pour le compagnon de partager les activités de la structure et de l'équipe, de participer aux réunions et aux processus décisionnels, de trouver sa place et de chercher à comprendre le fonctionnement de l'entreprise.

Les groupe-actions :
En complément de l'immersion où le compagnon a un statut d'individu, le groupe-action amène l'expérience de la situation d'équipe face à un projet. Il est proposé à un groupe de 5 à 8 compagnons de réaliser en autonomie un chantier pour se tester dans l'expérimentation collective.
L'entreprise qui accueille le groupe-action offre un suivi et un accompagnement technique, et les compagnons assurent eux-même tout ce qui concerne la gestion de la vie quotidienne, l’organisation du travail et la répartition des tâches.

Les regroupements :
Au nombre de 3 (au début, au milieu, et à la fin du compagnonnage), d'une durée d'une semaine, c'est un temps de rencontres, d'échanges, de mise en commun des expériences de chacun, de débats sur des sujets de sociétés, de bilans, de perspectives, de chantiers collectifs,…
Le comité de pilotage assure la structuration du groupe, les suivis individuels et amène des outils pédagogiques pour stimuler la réflexion.
A la fin de chaque regroupement, les représentants de chaque structure accueillante et les compagnons font le point et définissent les orientations pour la période suivante.


A lire aussi: un article intitulé "Une formation pour bosser sans patron"
 et un autre "Compagnons du Collectif" du magazine LUTOPIK

8 juil. 2014

Mon compagnonnage, de février à fin juin 2014



A de nombreuses reprises et pendant plusieurs jours, j'ai tenté de rédiger des articles sur le déroulé de mon compagnonnage, les lieux où je suis passé, les chantiers réalisés,… mais l'expérience est tellement dense que je n'en vois pas le bout, et je ne me sens pas l'énergie de revenir finement sur ces 5 mois ultra-remplis.
J'ai donc décidé de me recentrer sur une forme de retour plus condensé, forcément très incomplet, mais reprenant ce qui me paraît intéressant de partager ici.
Pour avoir un aperçu plus concret du compagnonnage et vous faire une idée "en images" de ce que j'ai pu y vivre, voici quelques liens et galeries photos à consulter :

 
Notre chantier: à partir d'une parcelle nue dans des jardins partagés, créer un jardin pédagogique pratique et ergonomique, pour accueillir des enfants de 3 à 11 ans
 
  • Groupe Action au Battement d'Ailes (2 semaines et demi) --> galerie photos
 Nos chantiers: réaliser des bacs de culture sur des terrasses agricoles, et construire une structure en bois, avec des troncs de mélèzes, qui servira d'ombrière

 

Notre mission: réaménager l'entrée de la ferme pour en faire un lieu accueillant et qui exprime le projet et les activités de l'association, tout en améliorant l'outil de travail



J'avais déjà postulé pour le compagnonnage de 2011, mais ma candidature n'avait pas été retenue, ce qui avait été une des raisons qui avaient motivé mon départ à vélo quelques mois plus tard, me lançant ainsi dans une forme de compagnonnage autonome à ma sauce.
Je pense, avec le recul, que cela a peut-être été mieux ainsi, car à l'époque, j'étais encore très loin du monde des alternatives, et l'écart aurait été probablement très grand, me mettant dans une expérience particulièrement déroutante, que j'aurais peut-être eu plus de mal à ressentir comme constructive.
Mais j'avais tout de même gardé en moi l'envie de me frotter à cette formation  que j'envisageais comme une expérience collective et humaine particulièrement forte.

Ma motivation première pour ce compagnonnage REPAS était de rencontrer et m'immerger dans des structures alternatives visibles, inclues dans la société, avec des contraintes économiques et de production, mais arrivant à fonctionner autrement, selon les principes de la coopération et de l'autogestion, en cohérence avec des valeurs sociales, humanistes et écologiques. Et pourquoi pas rencontrer une structure où j'aurais le goût de m'investir, ou des personnes avec qui lancer un projet collectif.

Cette année 2014, nous étions 23 (16 compagnonnes et 7 compagnons), âgés de 22 à 37 ans, avec des profils, des origines, des parcours, des formations, des milieux familiaux, très différents, mais réunis par la motivation commune de vivre une expérience du faire-ensemble très forte, porteuse de sens et de clés pour nos avenirs respectifs.

Dans tous le processus du compagnonnage, nous ne nous nous sommes jamais choisis par affinités de personnes. Lors de la première période, c'est un tirage au sort qui a déterminé les lieux où chacun était envoyé, ainsi que la composition des groupe-action. En deuxième période, c'est par affinité d'objectifs que notre groupe-action s'est constitué.
Ce principe de tirage au sort, et de se rassembler par affinité d'objectifs, est une composante majeure car elle implique d'accepter de se lancer dans une expérience particulièrement percutante du vivre-ensemble et du faire-ensemble sans se choisir.

Très souvent, dans nos vies habituelles, nous sommes nombreux à penser, voire même à être convaincus, que nous sommes des êtres facile à vivre, conciliants, et prédisposés à vivre de belles expériences collectives.
A travers ce compagnonnage, nous nous mettons dans une situation où, avec des personnes que nous n'avons pas choisi, il va falloir tout à la fois vivre ensemble et travailler ensemble, trouver des terrains d'entente pour le quotidien (alimentation, tâches ménagères, sorties, rythmes, budget), et pour le travail (processus décisionnel, façons de faire, organisation, responsabilités, distribution des tâches,…) avec une contrainte de temps et un objectif de réalisation.

A mes yeux, c'est une véritable défi, et cela implique beaucoup de confrontations qui, si elles sont menées intelligemment, ouvertement et avec bienveillance, ne peuvent que nous faire grandir.

Ce parcours, très axé sur des expériences concrètes, le fameux "P" de "pratiques" dans l'acronyme REPAS, est un support pour révéler de nombreux questionnements que l'on a tenté d'explorer autant individuellement que collectivement :
  • Spécialisation / polyvalence
  • La répartition des tâches entre hommes et femmes, qui soulève la question de "genre"
  • La prise de pouvoir par la compétence
  • L’accompagnement mutuel vers l'autonomie
  • La transmission de savoirs et compétences
  • La pédagogie
  • Savoir lâcher-prise sur l'objectif pour laisser plus de place à l'apprentissage
  • Quelle place pour l'initiative personnelle dans un projet collectif
  • Quel décisions doivent se prendre collectivement ou individuellement
  • Savoir faire la distinction entre ses caprices (et apprendre à les lâcher) et ses véritables besoins (et apprendre à les défendre)
  • Savoir reconnaître et accepter une meilleure idée que la sienne
Cette expérience de compagnonnage a été pour moi extrêmement nourrissante. C'est un véritable catalyseur de remises en questions, souvent inconfortable car très confrontant, mais tellement enrichissant. Elle m'a apporté une meilleure connaissance de moi-même et de mon fonctionnement au sein d'un groupe, une meilleure connaissance de ce que ma personne peut apporter de bon dans un fonctionnement collectif, une validation de mon désir de m'engager dans un projet de travail collectif et coopératif, et de savoir que ça existe, que ça fonctionne, et que ce n'est pas une utopie!

Mais j'ai aussi observé que je pouvais parfois m'oublier et me diluer dans le groupe, privilégiant parfois un peu trop l'intérêt collectif par rapport à mes besoins personnels. C'est aussi une expérience que j'ai parfois ressentie comme trop dense, trop "presse-citron", de par le rythme du cursus et la pression autour des questions "Qu'est ce que je viens chercher ? Quels sont mes objectifs ? , etc…".

Je suis aussi ressorti de ce compagnonnage avec une déception, celle de ne pas me sentir beaucoup plus avancé sur mes envies, de ne pas avoir de projet concret qui se soit révélé. Alors à moi d'accepter que ce n'est pas encore maintenant que je vais me lancer concrètement dans un projet, et me contenter de tout le bon que cela m'a apporté.

Globalement, et pour conclure : ce compagnonnage aide à mieux savoir trouver sa place dans un groupe, comprendre les enjeux et les dynamiques de fonctionnements collectifs, accepter les différences, comprendre les comportements des autres, conjuguer les complémentarités plutôt qu’opposer les différences, enrichir son sens critique des questions de société, acquérir de nouveaux savoir-faire et développer de nouveaux savoir-être.

Et pour finir, une petite phrase bien connue, mais qui à travers le compagnonnage, a pris pour moi une consistance bien supérieure :

"Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin, et on peut soulever des montagnes !"


5 juil. 2014

Réseau REPAS & Compagnonnage : pour aller plus loin dans les réflexions...

Article issu de ce journal


Coopération et utilité sociale, les leviers d'un autre développement


Le sens de la coopération et la perception de l’utilité sociale sont des leviers innovants pour imaginer un développement qui ne soit pas qu’économique et pour bâtir une société équilibrée qui opterait pour la « paix sociale » plutôt que pour la « guerre économique ». C’est là, aujourd’hui, un véritable enjeu de société.

Malheureusement le système éducatif actuel est basé sur la compétition, l’élitisme et le mépris du travail pratique. On y préfère la sécurité, la reconnaissance sociale à l’esprit d’entreprise et au goût de l’initiative. Le faible taux de création d’entreprises par de jeunes diplômés en témoigne.

Le compagnonnage proposé par R.E.P.A.S n’est pas un stage de création d’entreprise ; il travaille en amont à la revalorisation de comportements non valorisés dans le système scolaire et qui sont pourtant ceux qui permettent d’innover, d’inventer, d’entreprendre: l’action, le faire, la culture du projet, l’esprit de partenariat (coopération) et un mode de développement respectueux des hommes et de la nature.

Cinq mois de compagnonnage pour transmettre ce message, c’est peu ! « Nous en sommes conscients, mais il s’agit seulement d’une sensibilisation, d’ouvrir d’autres possibles, de transmettre curiosité et courage, goût de l’initiative et sens des réalités » témoigne une animatrice du réseau. Enrichi d’une culture de projet et d’une démarche d’évaluation permanente, le compagnon aura l’initiative de construire la suite de son parcours, soit en s’engageant dans une formation qualifiante, soit dans le cadre d’un compagnonnage individuel, d’un emploi ou d’une démarche de création d’activité.


Des pédagogies croisées

Une pédagogie de l’action : le monde de la production est un monde de l’action : que ce soit pour semer, récolter, bâtir, transformer la matière, rendre des services, il faut mobiliser son corps et son esprit, souvent faire de ses mains et s’adapter à des situations variées.
Une pédagogie de la coopération : le travail, c’est aussi l’équipe : savoir trouver sa place dans un groupe, accepter les différences, comprendre les comportements des autres, conjuguer les complémentarités plutôt qu’opposer les différences, expérimenter les situations de solidarité. Ce sont des apprentissages auxquels peu de lieux se prêtent. Dans le cadre des « groupes-action" les compagnons l’expérimentent entre eux.

Une pédagogie de l’expérience : les savoirs ne sont pas uniquement du domaine de la « connaissance », ils sont aussi « expérientiels » dans le sens où la diversité des situations vécues, la
qualité des rencontres, la variété des secteurs de travail approchés permettent à l’individu de forger sa personnalité, sa capacité d’adaptation, de structuration, d’organisation, de réflexion, de jugement... L’expérience permet de se découvrir soi-même et de mieux appréhender ses talents et ses limites.

Une pédagogie de l’expression : formuler sa pensée, son jugement, s’exprimer en public, savoir convaincre, faire des bilans, se faire comprendre, écrire pour prendre du recul sont des outils mis en œuvre lors des regroupements des compagnons et des séjours en entreprise.

Une pédagogie du pragmatisme : le sens des réalités, le sens pratique ne sont pas l’apanage de notre société en pleine « virtualisation » ; les pieds sur terre, ça n’empêche pas de rêver ; les entreprises du réseau R.E.P.A.S., fondées sur des utopies, ont en tous cas un sens aigu des réalités.

Une pédagogie de l’économie : il est effrayant de constater l’ignorance des fonctionnements économiques de base, absents de la culture générale : qu’est-ce qu’un capital, un prix de revient, une marge, le fonctionnement d’une banque, quelles sont les différentes formes de société, comment se répartit l’argent dans l’entreprise... Ces questions sont abordées dans les entreprises et lors des regroupements.

Une pédagogie de l’enthousiasme : la tentation du « No future » fait tache d’huile parmi une jeunesse qui se veut contestataire et rebelle ; l’expérience du compagnonnage distille un parfum de
« tout est possible, ne soyons pas des assistés, créons un monde à la hauteur de nos rêves, prenons-nous en main... » plus savoureux que toutes les fumées échappatoires.

Une pédagogie de la réalisation : concevoir un projet, réunir les moyens, l’équipe, c’est possible, les entreprises du réseau en sont le témoignage vivant ; sensibiliser et encourager à entre prendre est une des vocations du réseau qui souhaite voir fleurir de nouveaux projets.

Une pédagogie de l’implication : fatigués d’accumuler des savoirs scolaires sans rapport avec leurs centres d’intérêt, frustrés de n’avoir pu apprendre à se connaître dans le cadre d’une véritable éducation, les compagnons découvrent la stimulation à l’apprentissage que suscite l’« implication » vécue à travers différents micro-projets.


19 janv. 2014

"L' Age de Faire": dossier spécial "Voyage à vélo"

Connaissez-vous "L'Age de Faire"? (site internet)

Quelques exemples de couvertures.
C'est un très sympathique petit journal mensuel, qui se définit ainsi: " L’âge de faire témoigne des expériences alternatives en matière de réappropriation de l’économie, de création de lien social, d’écologie et d’engagement citoyen. Son credo : offrir à ses lecteurs des outils qui leur permettront de mettre œuvre leurs idées.".
J'aime beaucoup cette revue, car elle dénonce (un peu), mais surtout parce qu'elle relate un tas de bonnes nouvelles et beaux projets sur des sujets très variés: écologie, politique, agriculture, alimentation, biodiversité, habitat, climat, énergie, transport, déchets, santé, éducation, culture, ...
De plus, elle propose un abonnement "petit budget" à 14€ pour l'année, afin que les personnes ayant pas ou peu de revenus puissent y accéder!

Avec d'autres cyclo-voyageurs, j'ai participé au dossier spécial "Voyage à vélo" du n°77 - Juillet/Août 2013, dont voici les pages. Je remercie la revue de me permettre de les diffuser sur ce blog, et je suis très heureux que la photo panoramique qui illustre la double page est celle que j'avais prise en Corse en janvier 2013, juste avant d'arriver à Bastia pour rentrer sur le continent.
Bonne lecture!














27 août 2013

Petites nouvelles estivales

Les événements et les rencontres de l'été s’enchaînent à vive allure, me laissant peu d'occasion de trouver véritablement le temps et l'envie de m’asseoir devant un ordinateur pour mettre à jour le blog...

Après ma semaine à l'Arche St Antoine, j'ai repassé une dizaine de jours en Diois avant de reprendre la route en direction du sud dans un premier temps, avec:
- une semaine de rassemblement Rainbow dans les Alpes de Haute-Provence (plus d'infos)
- une dizaine de jours à la Collective de Chalvagne, un petit collectif installé à la limite Alpes de Hte-Provence / Alpes-Maritimes, dont l'intention première est l'entraide à l'autoresponsabilisation (plus d'infos)
- quelques jours de repos/baignade chez une amie vers Toulon
- une traversée des Cévennes à moitié à pieds/en stop
- deux semaines en Auvergne pour vivre un merveilleux rassemblement : la Rencontre des Amis de Silence (plus d'infos)
- le mariage de ma sœur vers Nantes
- une petite semaine chez des amis apiculteurs à tendance décroissante dans les Landes
- une charmante semaine découverte des Pyrénées Atlantiques
- et me voilà arrivé depuis hier sur Toulouse pour rendre visite à une amie
- avant de reprendre la route demain vers un écofestival dans les Cévennes: le Souffle du Rêve (plus d'infos)

Cet été 2013 est donc riche, très riche! J'ai l'intention de rédiger de plus longs articles pour vous présenter plus en détails ce parcours estival, mais il faudra encore attendre, que je trouve le temps, l'énergie et la motivation de passer qq jours sur internet!

Hormis quelques dizaines de kilomètres effectués à pieds ou en bus pour traverser une ville, tous mes déplacements se sont fait en stop, avec plusieurs milliers de km, cumulés en seulement 2 mois! Merci à tous les automobilistes qui m'ont offert de partager un temps de route avec eux, et qui me permettent de rester émerveillé de toujours réussir à arriver à destination!
Et un merci tout particulier à Danièle, rencontrée dans les Cévennes pour demander mon chemin, qui m'a spontanément proposé de venir partager le dîner avec sa petite famille et planter ma tente dans son jardin!




A bientôt!

Nicolas.