15 juil. 2015

Essai de bilan moral/intérieur de 4 ans d'itinérance



Cet article est une tentative de faire un petit bilan moral/intérieur de mon voyage, de révéler quelques réflexions, pensées, enseignements, questionnements, confidences, états d'esprit, etc. Cela fait au moins 6 mois que j'ai posé l'intention de l'écrire, mais c'est une tâche qui m'est ardue et complexe. Il reste encore beaucoup de zones de flou, de difficultés à trouver les bons mots pour exprimer mon cheminement. J'aurais préféré le publier sous une forme plus travaillé, plus élaborée, plus claire, qui laisserait moins de place à d'éventuelles incompréhensions, mais j'ai du mal à trouver l'énergie et la clarté d'expression pour arriver au résultat que je voudrais obtenir.
J'accepte donc de revoir mon degré d'exigence, et je vous le livre dans l'état dans lequel il est aujourd'hui, et dans la limite de ce que je me sens prêt à dévoiler ici. Bonne lecture et merci d'avance de votre indulgence.

A Champaussel, mon lieu de prédilection pour écrire...


Le 1er juillet 2011 : je montais sur mon vélo pour démarrer mon projet/voyage « AlterCyclo » … Depuis, 4 années se sont écoulées…

4 années de découvertes, de rencontres, d'expérimentations, d’initiations, d'itinérance et parfois de vagabondage … 4 années sans maison, sans " chez moi " véritable, trouvant ici et là des " chez moi " de substitution, ma vie tenant d'abord dans 2 paires de sacoches de vélo, puis seulement dans un sac-à-dos de 50 litres.
Une seule fois j'ai quitté la France ; cela se résume à une 30aine de km à vélo pour me faciliter la descente d'une vallée des Alpes-Maritimes pour rattraper la Méditerranée. La norme du voyage au long cours, c'est l'étranger, souvent même d'autres continents… alors 4 ans en France, cela étonne, et d'autant plus si je précise que je n'ai navigué globalement que sur la moitié du pays. Mais j'aime à dire que je me suis senti suffisamment nourri ici pour ne pas avoir ressenti le besoin de pousser au-delà des frontières. Et puis j'aime cette idée que l'aventure peut démarrer n'importe où, et même ici et maintenant, au pas de sa porte, au coin de sa rue, tout dépend dans quel état d'esprit on s'installe.

" Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux " - Marcel Proust -

"  Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même " - Confucius -

Je suis parti pour mettre fin à plusieurs années de déceptions professionnelles et de recherches infructueuses à trouver une place qui me convienne dans notre société, et pour découvrir d'autres possibles, plus en accord avec mes valeurs humaines, sociales et écologiques. Je voulais rencontrer des personnes et des projets inspirants pour un futur plus fleuri, chaleureux et coloré que celui entrevu aujourd'hui, pour aller vers une société développant plus de rapports vertueux que vicieux. Et bien évidemment, je suis parti avec le désir de trouver un projet à suivre ou à initier, un projet dans lequel j'aurais cœur à m'engager et œuvrer.


Je me sens extrêmement riche de ce voyage. J'ai une conscience plus fine et élargie des enjeux de notre époque et de notre société ; je sens que j'ai beaucoup grandi humainement ; j'ai développé de nombreux petits savoir-faire et savoir-Etre; je me suis sensibilisé à d'autres façons de produire, consommer, cultiver, travailler, se nourrir, se loger, éduquer, se soigner, coopérer, vivre ensemble, communiquer, … mais je n'ai toujours pas trouvé où et comment je voudrais concrètement m'investir.

Pour illustrer cet état, une image m'est venue : celle d'un terreau. J'ai la sensation que ces 4 années m'ont permis de constituer un beau et bon terreau, très riche et fertile, mais je n'arrive pas encore à savoir précisément et concrètement quelles graines je voudrais y faire pousser.

Il est certain que la suite de mon parcours ne pourra être que dans une fibre " alternative ", en résonance avec les valeurs de simplicité volontaire, de sobriété heureuse, ou encore de décroissance, en tentant de toujours trouver un juste milieu pour ne pas tomber dans les extrêmes.

Au-delà de cette quête de devenir un citoyen éclairé et conscient, peut-être même éclairant, de mener une vie juste incarnant la volonté d'être un acteur pour aller vers une société plus accueillante et humaine, la quête de fond de ce voyage est évidemment celle de moi-même.

C'est une quête dont j'ai conscience depuis plus de 7 ans, depuis que j'ai marché seul, pendant 3 mois, sur les Chemins de Compostelle. Je me rappelle que le mot le plus plus fort qui me revenait souvent à l'esprit était " authenticité ".
Je sens en moi une quête profonde d'authenticité, de sens, de vérité, avec moi-même, avec ceux et celles qui m'entourent, avec la nature, avec le monde. Je désire trouver de quelles façons je pourrai me sentir épanoui, réalisé, relié, en paix.
Je désire trouver qui je suis véritablement au fond de moi-même, en résonance avec ces phrases célèbres que vous avez certainement déjà lues ou entendues :

" Deviens qui tu es. " - Nietzsche -  ou encore " Va vers toi. "

Je désire m'engager et m'investir dans un projet où, au-delà d'une recherche de cohérence avec des valeurs humaines, sociales et écologiques, j'aurai véritablement cœur à mettre mon énergie, et qui contribuera à quelque chose de plus grand que juste mon épanouissement personnel.

Je ne veux sauver personne, ni la nature, ni la société. Mais si juste à mon échelle j'arrive à trouver la place que j'ai à prendre en ce monde, mes talents à mettre au service, cela ne pourra avoir qu'un rayonnement positif et invitant à prendre des chemins de vies plus justes, plus sincères, plus respectueux, plus conscients et plus épanouissants.

Je ne veux pas d'une petite vie " pépère ", je ne veux pas d'une vie " occupationnelle ", je ne veux pas " profiter " de la vie, je veux être " avec " elle. J'aime la clarté de ces phrases lues dans un livre de Thomas d'Ansembourg :

" Nous nous sommes habitués à vivre en compensation frileuse, en cherchant plus à éviter de souffrir qu'à être heureux, plutôt qu'en expansion joyeuse "
et
" Nous avons appris à faire les choses non par élan d'amour, mais par devoir ; non pas par joie de donner, mais par peur de perdre ; non pas dans le goût de contribuer, mais dans la crainte du rejet ; non pas dans la responsabilité, mais dans la culpabilité ".

Je ne veux pas être de ceux et celles qui " compensent ", mais bien de ceux et celles qui " vivent " !

Durant ces 4 années, j'ai cherché à me rencontrer moi-même, dans mes zones de lumière comme dans mes zones d'ombre. C'est volontairement que je me suis éprouvé, physiquement et moralement, dans mon corps, dans mon cœur, dans ma tête et dans mes tripes, allant rencontrer des ressources et des limites que je ne me connaissais pas encore. J'ai oscillé entre de grands enthousiasmes et de grandes désillusions. Je me suis frotté au vide, à la solitude, ; je me suis livré à l'inconnu en quittant mes zones de confort, pour me dépouiller toujours un peu plus et essayer de toucher à ce qu'on pourrait appeler l'essentiel.
J'ai dépassé beaucoup de mes peurs et résistances, j'ai repoussé beaucoup de mes limites, j'ai abandonné beaucoup de mes a-priori, préjugés, croyances, idées pré-conçues, illusions et conditionnements… Certes il reste du boulot, mais forcément un peu moins qu'il y a 4 ans!


Ce voyage est donc aussi pour moi un grand voyage initiatique, et d'autant plus avec de multiples expériences liées à divers courants spirituels: des retraites dans un ashram ou des centres bouddhistes, des cérémonies de médecine chamaniques, des séjours en communautés, des we de méditations, des groupes de paroles d'hommes, la pratique de la biodanza, ...
Chaque fois qu'une nouvelle expérience se présentait ou se proposait, je m’efforçais de dire " oui ", pour me faire ma propre expérience plutôt que de rester sur un a-priori, dominé par la peur. Cela a souvent été libérateur, participant à une meilleure connaissance de moi-même et à une forme de sécurité intérieure qui se solidifie avec le temps ; ou bien parfois aussi très troublant, ne trouvant plus le discernement entre ce qui n'est pas bon pour moi et la possibilité d'être aux prises avec mes résistances.


Et puis il y a eu toutes ces rencontres que le voyage m'a offert. On m'a aidé, soutenu, encouragé, questionné, parfois mis en garde. On m'a offert un toit, un lit, une douche, à boire, à manger, … On m'a accueilli, peut-être même parfois recueilli. On m'a transporté, parfois sur plusieurs centaines de km. On m'a fait confiance, et me confiant des maisons, des travaux.

Ces rencontres, il y en a eu de tous les goûts et de toutes les saveurs. Il y en a eu des brèves et des qui durent dans le temps, des silencieuses et des bruyantes, des timides et des audacieuses,  … Toutes ayant leur raison d'être.

D'une partie de ces innombrables rencontres, de sincères et profondes amitiés sont nées. Les plus marquantes sont bien souvent celles où il y a eu suffisamment de confiance et d'ouverture pour que nos mondes intérieurs se rencontrent, se fassent écho et s'enrichissent mutuellement.
Parfois, je me suis demandé si le thème de mon voyage n'était pas qu'un prétexte, un support, pour varier et multiplier les rencontres, et m'enrichir de tous ces échanges ? Car même si l'intention première et consciente n'était pas ces rencontres, elles sont un ingrédient essentiel, vital !


Mais le voyage, c'est loin d'être du tout rose… Il y en a eu des périodes de doute, d'errance, de perte de sens, de détresse, de solitude extrême, d'incompréhension, où j'ai parfois pu me demander si je ne m'abîmais pas plus que je ne me construisais.

Aujourd'hui, je me sens fatigué, parfois lassé. Je ne sais plus trop vers quoi aller, à quelle porte frapper, à quel chantier participer. Je ressens le besoin de faire une pause, je ne sais pas encore sous quelle forme, pour m'offrir une période de décantation, de digestion.
Ces 4 années ont été tellement denses qu'il m'est bien difficile d'en faire une synthèse. Je sens que ce voyage est d'une richesse extraordinaire, dont je ne peux encore estimer le trésor. J'espère réussir à en tirer tous les enseignements qu'il recèle, pour les faire fructifier et les offrir.

Mais c'est où que ça bloque ??

Même après m'être immergé dans tant de lieux, avoir donner un coup de main dans tant de projets, vécu le quotidien de tant de personnes, … la question " et moi, qu'est ce que je veux faire ? Qu'est ce que je veux vraiment faire ? " reste sans réponse précise.
Il est certain que je connais bien mieux mes besoins, en termes de cohérence avec mes valeurs, de fonctionnement humain, de mode de gouvernance, d'éthique, d'environnement de vie et de travail, etc… mais cette question de "qu'est ce que je veux vraiment faire" reste encore dans le flou.
A mon sens, cette question ne peut pas avoir de réponse intellectuelle, car c'est une question posée au cœur.

Jusqu'ici, je n'ai pas ressenti d'appel du cœur, d'élan véritable qui me dise " oui, ici je sens que j'ai le goût , l'envie, l'élan de m'investir ! ".
On m'a souvent rétorqué qu'il n'existe pas de lieu ou de projet " idéal ". Je sais bien que poursuivre un idéal peut tout autant être moteur qu'illusoire, qu'il faut trouver un juste milieu entre ses aspirations et la réalité. Mais aujourd'hui, je crois que la question n'est pas là. C'est bien un élan du cœur dont je suis à la recherche, peut importe là où ça résonnerait, que ce soit par rapport à une personne, un lieu, un groupe de personnes, un territoire, un matériau, un projet.

Cela me fait penser à une observation que je fais depuis longtemps : les personnes que j'admire le plus ou qui m'interpellent le plus, ce n'est ni leur activité, ni leur salaire, ni leur maison ou leur territoire de vie qui me fascinent véritablement, mais c'est le rapport qu'ils ont avec ce qu'ils font, avec leur vie au sens large : ce sont ces personnes qui vivent en résonance, en cohérence avec leur cœur ; ce sont ces personnes qui ont profondément le goût de vivre comme ils l'ont décidé.


Je me pose souvent la question " Pourquoi je n'arrive pas à trouver un projet concret que j'aurais cœur à investir ? "

S'ensuivent alors tout un lot de questions plus moins confuses...

Par peur de l'engagement ? Peut-être que je ne cherche pas aux bons endroits ? Peut-être que je ne l'ai simplement pas encore découvert, ou que ce n'est pas encore assez mûr en moi ? Peut-être que je suis passé devant plusieurs fois sans le voir ; mais dans ce cas, pourquoi ne l'ai-je pas vu ? Peut-être que c'est mon cœur qui fonctionne mal, ou que je n'arrive pas bien à l'entendre ?

Cette dernière question m'interpelle beaucoup… je me rappelle m'être exprimé à moi même, parfois à d'autres : " Je cherche mon cœur ".
Un autre angle de vue de mon cheminement pourrait se baser là-dessus, ne sachant pas ce que je voulais faire, je me suis mis en route pour tenter de trouver là où mon cœur résonnerait.

L'automne dernier, lors d'un passage chez une amie, elle m'a proposé de " tirer une carte " dans un jeu de cartes qu'on pourrait rapprocher du tarot de Marseille. Chaque carte correspond à un conte mythologique et à une lame du tarot, dont la symbolique est décrite dans un livre.
Je ne suis pas très branché " divination et cie ", mais je me suis prêté au jeu, et j'avoue avoir été assez bousculé d'avoir tirée cette carte.


Et voici le texte qui l'accompagnait :

Chercheur des Cœurs – Le Bûcheron-en-fer-blanc

" Quand Dorothy fait la connaissance du Bûcheron-en-fer-blanc, dans le Magicien d'Oz, il a rouillé sur place et est complètement coincé. Le rétameur, son créateur, a oublié de lui donner un cœur. Il a désespérément besoin d'être huilé – en d'autres termes, ses émotions sont bloquées, et c'est de là que viennent sa rigidité et sa souffrance. A certains moments de l'histoire, le Bûcheron-en-fer-blanc se met à pleurer. Ses larmes, après l'avoir fait rouiller, sont désormais comme l'huile salvatrice – l'élixir d'amour et d'affliction qui guérit les blessures du passé. Sur la Route pavée d'Or, le Bûcheron-en-fer-blanc part en quête d'un cœur qui lui permettra d'aimer, d'être joyeux, de danser et de chanter. Mais quand il rencontre enfin le Magicien, ce dernier lui dit que bien au contraire, il a de la chance de ne pas avoir de cœur. " Les cœurs ne seront pratiques que quand ils seront incassables ", lui déclare t'il. Mais le Bûcheron-en-fer-blanc persiste à vouloir un cœur, sans lequel il ne pourra jamais se sentir pleinement humain. Le Magicien lui offre offre donc cette autre perle de sagesse : " Le cœur ne se juge pas à l'amour que vous pouvez donner ? Les faiseurs de bien ont des témoignages de reconnaissance. Avoir du cœur, c'est susciter l'amour. "
Dans le Chercheur des Cœurs, le Bûcheron-en-fer-blanc porte une armure qui l'isole et le protège du monde étrange des sentiments. Son cheval représente la liberté de l'âme, qui le porte durant sa quête essentielle. La colombe, messager divin de paix et de sérénité, tient le cœur qui fera du Bûcheron-en-fer-blanc un vrai membre de l'humanité en marche. "

On peut évidemment trouver plusieurs degrés de lecture à ce texte, et même si cela pourrait sembler un peu naïf, cette carte m'a beaucoup parlé, et je me suis beaucoup reconnu dans cette interprétation.

Et pour finir cet article, voici 3 citations qui m'inspirent et parfois me rassurent beaucoup :


_ "  Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être bien adapté à une société profondément malade "
- Jiddu Krishnamurti -


_ " Tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l’inefficacité prévaut toujours.
En ce qui concerne tous les actes d’initiatives et de créativité, il est une vérité élémentaire dont l’ignorance a des incidences innombrables et fait avorter des projets splendides.
Dès le moment où l’on s’engage pleinement, la providence se met également en marche. Pour nous aider, se mettent en œuvre toutes sortes de choses qui sinon n’auraient jamais eu lieu.
Tout un enchaînement d’évènements, de situations et de décisions crée en notre faveur toutes sortes d’incidents imprévus, des rencontres et des aides matérielles que nous n’aurions jamais rêvé de rencontrer sur notre chemin…
Tout ce que vous avez toujours voulu faire ou rêvé de faire, entreprenez-le.
L’audace renferme en soi génie, pouvoir et magie. “
- Goethe-


_ « Notre peur la plus profonde n'est pas que nous ne soyons pas à la hauteur,
Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toutes limites.
C'est notre propre lumière et non notre obscurité qui nous effraie le plus.
Nous nous posons la question... Qui suis-je, moi, pour être brillant, radieux, talentueux et merveilleux ?
En fait, qui êtes-vous pour ne pas l'être ? Vous êtes un enfant de Dieu.
Vous restreindre, vivre petit, ne rend pas service au monde.
L'illumination n'est pas de vous rétrécir pour éviter d'insécuriser les autres.
Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous.
Elle ne se trouve pas seulement chez quelques élus, elle est en chacun de nous,
Et, au fur et à mesure que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même.
En nous libérant de notre propre peur, notre puissance libère automatiquement les autres. »
- Nelson Mandela (ou  Marianne Williamson?) -






1 commentaire:

  1. De fil en aiguille, de ma page facebook sur laquelle est apparue la tienne, à ton blog ... j'ai atterri sur cet article ... Et je suis scotchée ...
    Par la dimension intérieure de ton périple, par cette quête existentielle qui transpire derrière chacun de tes mots, et par l'étrange ressemblance de ces mots avec les miens il y a quelques années ...
    Je ne sais ou tu en es ce jour de cette recherche (?), mais cette phrase de Lao Tseu m'est venue en te lisant : "Il n'y a point de chemin vers le bonheur. Le bonheur c'est le chemin" ...

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