BIVOUAC AU COL ST JEAN
Je repars d'Orpierre en toute fin d'aprèsmidi, je roule à la fraîche, le soleil descendant de plus en plus. J'atteins le col St Jean de nuit, en espérant trouver un coin plat pour poser ma tente.
Qq minutes plus tard, il faut nuit noire... il n'y a quasiment plus aucun bruit. J'entends vaguement un chien aboyé dans la vallée... puis ce sont les animaux nocturnes qui donnent le ton: des cris, piaillements, hululements sortent de la forêt qui m'entoure...
Je me surprend à me sentir peu rassuré, alors que je suis juste tout seul, en montagne, près d'un col où la circulation à l'air néante la nuit, aux abords d'une forêt.... qu'est ce qu'il pourrait bien m'arriver? Je suis donc pris par ces peurs débiles, qui doivent provenir de nos lointains ancêtres, et bien ancrées dans notre cerveau reptilien!
Je m'active alors pour faire du feu: reconstruction d'un rond de pierres, récolte de petit branchage de sapin, sciage de bois (vive ma scie de rando emmenée dans mes sacoches)!
C'est étonnant à quel point un feu peut faire du bien: ça éclaire, ça réchauffe, ça rassure, et je me suis aussi rendu compte que je me sentais moins seul (peut-être parce qu'un feu, c'est vivant? Il faut effectivement avoir une attention permanente sur lui, pour éviter tout accident, et l'alimenter pour qu'il continue à brûler...).
Au départ, je pensais dormir à la belle étoile, et finalement j'opte pour le montage de la tente: je me sentirai plus tranquille...!
Au petit matin, c'est le bruit d'un camion qui me réveille... puis des portes qui claquent, des hommes qui parlent... Je sors de la tente pour voir ce qu'il se passe. En même temps que je découvre le paysage, j'assiste à l'arrivée de toute une troupe des travaux publics: camions, semi-remorques, et autres gros engins pour refaire du bitume! Je ne m'attarde donc pas, pliage du bivouac et en selle! Ça commence par une descente: cool!
Un lieu de bivouac plutôt agréable! |
Enfin... pas si agréable que ça finalement! |
LE MONT VENTOUX, ACTE I
Pendant la pause picnic, je me fais piquer par une guêpe au mollet... M**** ! La dernière fois que ça m'était arrivé, j'étais ado, en mobylette, et j'avais le bras qui avait doublé de volume! J'espère qu'aujourd'hui, la réaction à la piqûre ne sera pas trop gênante! Je reste donc tranquillement une heure de temps à l'ombre, pour attendre de voir ce que ça donne... ça forme une boule, genre une grosse cloque, mais ça n'a pas l'air de s'étendre...
Je reprend donc la route pour atteindre Sault, le village d'où part la montée la plus facile pour le Ventoux (26km, 5% de moyenne, 1220m de dénivelé positif).
Je m'arrête chez un velociste car j'ai l'impression d'avoir un léger jeu dans le pédalier... et je veux corriger ça avant d'attaquer le Ventoux, pour éviter toute casse ou usure prématurée. Effectivement il y a un peu de jeu, mais c'est rapidement corrigé, Christophe est connaisseur et équipé des bonnes clés!
Merci à lui pour le brin de discussion et la petite intervention mécanique offerte!
Il est environ 18h00, je décide alors de commencer à grimper vers le Ventoux... ce qui sera monté aujourd'hui: ce sera ça en moins pour demain! La météo est incertaine, le ciel est noir et menaçant... je me renseigne sur le début du parcours dans une ferme: 5 km plus haut, je trouverai un préau près d'une chapelle, avec un point d'eau!
Effectivement, 5 km plus haut, je trouve:
- un préau au bord de la route, avec des tables de picnic, et tout plein de déchets et d'odeurs d'urine
- une chapelle fermée à clé
- une source rendu inaccessible, sous clé, pour éviter toute pollution
Heureusement, j'ai trouvé un peu plus haut, à l'écart de la route et au bout d'un chemin de caillasses, une jolie maison isolée, avec un beau préau tout propre et accessible! La maison est fermée, personne aux environs, ce doit être une maison de vacances... je m'installe donc sous le préau!
Le matin, après une nuit marquée par les éclairs, je rattaque doucement la montée, en étant attentif à ma jambe qui n'avait pas dégonflée... Une heure plus tard, je suis obligé de m'arrêter: la réaction allergique continue à prendre de l'ampleur. En descendant de vélo, je n'arrive même pas à me tenir debout! Le gonflement est descendu dans la cheville et le pied: je ne distingue même plus ma malléole!
Aïe ! |
Bon... et bien le Ventoux, ce sera donc pour une prochaine fois...
LA FERME PEDAGOGIQUE DE L'OISELET site web
Pour éviter de trop rouler, je me rend à la ferme pédagogique de L'oiselet, près de Carpentras, pour qq jours en wwoofing. Une journée de vélo suffit pour m'y rendre, quasiment tout en descente, à travers les magnifiques gorges de la Nesque.
Gorges de la Nesque. |
La ferme n'a pas véritablement une vocation de production. On y retrouve une grande parcelle de tomates et cucurbitacées, un jardin de plantes aromatiques et légumes anciens (plus de 200 variétés de melons!), un verger conservatoire et une basse-cour. L'objectif est double:
- maintenir une large biodiversité végétale et animale
- éduquer au goût et à la nature un large public (particuliers, scolaires, classes vertes,...)
Je suis arrivé sur cette ferme dans la période "rangement". C'est la période de transition entre la fin de l'été et la rentrée avec les animations scolaires. J'ai donc pu participer à la récolte de courges, aux soins aux animaux (lapins, volailles, ânes, vache, moutons, chèvres, cochons, canards, oies, ...) et j'ai aidé au rangement, mais je n'ai pas assister aux animations pédagogiques.
Des yourtes sont aussi là pour accueillir des personnes passant plusieurs jours sur la ferme ou dans les environs. La période creuse m'a permis d'y passer quelques nuits: c'est plutôt agréable et confortable!
LE VENTOUX, ACTE II
Après une petite semaine à la ferme pédagogique de l'Oiselet, je ressens le besoin de me remettre en route. Hier j'ai reçu l'info qu'un chantier paille est en cours dans la Drôme, je décide donc de repartir vers le nord pour aller participer à ce chantier.
L'idée d'essayer de faire le Ventoux me trotte toujours dans la tête... ma jambe a repris ses formes habituelles, et c'est à peu près sur ma route pour rejoindre le val de Drôme!
En début d'aprèsmidi, après 25 km, j'arrive donc à Malaucène, le petit village d'où part l'ascension par l'ouest. Comme à Sault, il y a tout un tas de vélos et cyclistes en pagaille, sur les trottoirs, dans les bars, dans les restos, sur les routes alentours... C'est incroyable comme cette montagne attire les cyclistes! C'est là que j'ai réalisé que le Ventoux est une ascension "mythique" dans le milieu du cyclisme: belges, allemands, hollandais, italiens, espagnols, anglais, ... viennent jusqu'ici pour le gravir! Durant le début de la montée de la semaine passée, j'avais même vu quelques cyclistes, suivis par la voiture familiale, appareil photo rivé à l'oeil et caméra au point pour immortaliser la montée!
Je prend qq infos au village: la montée fait 21 km, et à 16 km, il y a une station de ski, ouverte l'été avec un camping et de l'eau. Je me décide donc à commencer à grimper. Au mieux, je vais jusqu'en haut en une fois, et si c'est trop dur, je m'arrêterai bivouaquer, puisque je monte avec tous mes bagages.
Je démarre la montée par une pause picnic: du pain, du jambon sec, du fromage, du nougat et du chocolat! J'essaye de manger assez pour emmagasiner de l'énergie, et pas trop pour ne pas me sentir top lourd pour pédaler! Mon vélo et mes sacoches attirent la curiosité d'un groupe de boulistes: ils viennent me voir et m'interrogent pour savoir d'où je viens et où je vais... Ils ne veulent pas me croire que je veux me lancer dans la montée du Ventoux... c'est sûr qu'avec un vélo de 42 kg, ça en démotiverait plus d'un! Je leur dis que je ne me rend pas bien compte car je n'ai jamais vraiment été un cycliste, mais que je veux tenter. Et puis si c'est trop dur, et bien tant pis: je ferai demi-tour!
Je suis prévenu... |
Je démarre vers 16h00... au bout de 3 km, je pose pied à terre! Je suis essoufflé... j'ai du démarré un peu trop vite, il faudrait que je pédale plus doucement... et puis 9%, c'est quand même raide! Je me demande si ça va être possible que je tienne le coup sur toute la montée?!
A 3 km, 1er pied à terre... ça va être dur! |
A 10 km, je marque une bonne pause, le temps de manger une banane et quelques fruits secs. Je n'ai pas vraiment faim, mais je sais que si je chope la fringale, ce sera impossible de repartir et je devrai faire demi-tour. Un couple de retraités en ballade me demande si je monte ou bien si je descends. Je lui répond que je monte et il me dit alors "c'est beau d'être jeune!". Ça fait plusieurs fois que des gens me disent ça, et ça m'énerve! Comme si être jeune était suffisant pour justifier de pédaler tout seul sur un vélo chargé de bagages?! Je suis d'accord que "être jeune" est une condition potentiellement facilitante, mais j'aimerais que les gens tiennent plus compte de la volonté et de la motivation! Des "vieux" et des retraités, j'en ai déjà croisé des tas en montagne, et il y en a aussi beaucoup sur les pentes du Ventoux... et j'espère que quand j'aurai leur âge, je serai en capacité de faire ce qu'ils font!
Bon... revenons à nos moutons...
Seulement 2 virages après cette pause, je remet pied à terre: je suis séché par la pente: 12% !! P***** que c'est raide! Sitôt que je remonte en selle, je m'arrête au bout de 100m... et ça pendant plusieurs km!
12 %... pppfffff que c'est raide!! |
Quelques virages plus haut, nouvelle pause dans une épingle: j'avale qq fruits secs et un peu de nougat. Je commence à me dire que le sommet est physiquement accessible, mais ça va être juste, et si et seulement si le moral aussi tient le coup!
Arrivent enfin les 16km et la station du Mont Serein! Je demande de l'eau à une voiture garée sur le bord de la route. Je discute avec le monsieur, qui connaît bien la montée. Il me dit qu'il reste 5km, que les 2 prochains km sont très raides, mais que là où j'en suis le plus dur est derrière moi!
Bon... si le plus dur est fait, ça veut dire que je ne devrais pas en baver plus que ce que je viens de monter... Et puis si je m'arrête ici pour la nuit, je me dis que repartir en pleine pente, à froid, demain matin: ce sera vraiment très très dur. Je me décide donc à continuer!
Les 2 épingles suivantes sont effectivement très raides...
Mais les paysages s'ouvrent de plus en plus, et ça aide le moral!
A la sortie de la forêt, le sommet pointe enfin le bout son nez. Il parait tout proche, à portée de main! Mais l'accès n'est pas aussi aisé, il reste 2 km de lacets pour l'atteindre... Et sortir de la forêt, c'est aussi s'exposer au vent. Il tournoie et souffle tellement fort qu'il me déséquilibre! C'est l'horreur de pédaler dans ces conditions! Je pédale aussi vite que si je marchais: 6km/h!
Mais de toutes façons, je n'ai plus le choix: je suis presque arrivé, et il faut que je monte au sommet pour pouvoir me mettre à l'abri!
Dans ces derniers km, j'ai le corps entier sous tension, je m'accroche fermement au guidon, je sers les dents au point d'en avoir mal à la mâchoire, et je crie de rage contre la pente et le vent! J'ai rarement connu un effort aussi soutenu!
A la sortie d'une épingle, après 2h32 de pédalage, c'est enfin la libération: je suis arrivé! J'ai grimpé le Mont Ventoux!! YYYIIIIIIIHHAAAAAAAAAAA!!!
Sommet !!! |
Le vent souffle en rafales, il s'engouffre dans le bâtiment du sommet et fait claquer les passerelles et conduits métalliques, des tas de canettes de soda et de bouteilles plastiques volent... Je me met donc rapidement à la recherche d'un coin pour bivouaquer, et je trouve en contrebas une petite chapelle ouverte: ce sera mon abri pour cette nuit! Dans la descente vers cette chapelle, en poussant mon vélo, à deux reprises je me suis retrouvé bloqué par le vent: impossible d'avancer tellement les rafales sont violentes! La nuit sera douce: c'est une sensation très agréable de se sentir à l'abri pendant que la tempête fait rage à l'extérieur.
Le lendemain matin, le vent s'est calmé, et je profite de la vue. L'arrivée côté Est parait lunaire: ce ne sont que des cailloux sur plusieurs km...
Avant de démarrer la descente, je vérifie la gomme de mes patins de freins: c'est bon, il en reste assez! J'amorce la descente doucement, puis me laisse porter par les courbes. Les bras travaillent bien plus que les jambes: avant les épingles, les freinages sont soutenus et il faut retenir mon corps qui voudrait partir vers l'avant! Je croise de nombreux cyclistes, je les salue tous en les encourageant d'une signe de la main. Certains ne lèvent pas la tête, ils en bavent de trop, tandis que d'autres font les yeux ronds en me voyant: je suppose qu'ils me prennent pour un ovni avec tout mon barda! Moi je me sens léger, fier et joyeux!
Lors de belles lignes droites en bon bitume, je me laisse entraîner par la pente... en voyant que je prend beaucoup de vitesse, je rajoute qq coups de pédale histoire de voir jusqu'à combien je peux aller... et je réalise une pointe à 87,2 km/h: ça décoiffe!
J'avale la descente en 27 minutes et de retour à Malaucène, je m'offre un bon café au soleil pour fêter ce Mont Ventoux!
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