18 déc. 2011

Saint Roman


Je ne sais pas trop comment abordé ce petit compte rendu de mes 2 semaines chez Jean-Marie et Dominique à Saint Roman tellement l'étape a été dense et riche...
J'ai été tout à la fois apprenti-vacher, apprenti-chevrier, apprenti-palefrenier,apprenti-fromager et apprenti-meunier, avec de longs moments de discussions sur l'agriculture, l'alimentation, la médecine, la conscience, le rôle des Hommes, l'entraide, l'économie, ...

Commençons par le lieu: Saint Roman est un petit village de 150 habitants, à une dizaine de km de Die, tout proche de la Drôme (la rivière). On est donc en plein cœur du Diois, dans un cadre de petite plaine entourée de montagnes.
Jean-Marie et Dominique y vivent avec Maëlys, leur plus jeune fille, mais 6 autres enfants y ont aussi grandi (oui oui, ca fait bien 7 enfants en tout!).

La ferme ...

... avec le Glandasse en toile de fond.

Jean-Marie et Dominique sont tous les deux médecins. Une fois leur diplôme obtenu, et très préoccupé par l'alimentation, ils voulaient qu'une partie de leur vie soit liée à la terre, et à la production d'une alimentation saine, donc biologique. Ils ont alors convenu que Dominique exercerait la médecine, et Jean-Marie s'occuperait d'une exploitation agricole. Ils ont repris une ferme sur Saint Roman, initialement spécialisée en arboriculture, mais avec un travail colossal pour remettre l'exploitation, les bâtiments, la maison et les vergers d'aplomb.

Parlons agriculture...

Pendant longtemps, les vergers et les champs ont été menés en agriculture biologique. Ce mode de production autorise un certain nombre de traitements bio, mais c'est comme tout: des produits aux composants naturels peuvent s'avérer néfastes s'ils sont utilisés en grandes quantités, et ils représentent un coût non négligeable. Jean-Marie a donc voulu pousser la démarche plus loin, avec comme base de réflexion:
- le respect du vivant, des cycles, du sol
- une approche globale avec un équilibre des 3 règnes: végétal, animal, minéral
- accepter de récolter ce que la nature veut bien produire, sans lui demander plus
- limiter les intrants au minimum (aujourd'hui, il n'y a d'ailleurs plus d'intrants sur les pommiers, seulement des pulvérisation de purin d'orties et de petit lait, dans l'idée que les champignons naturels du petit lait, non néfastes aux vergers, permettent d' "occuper le terrain" et ainsi d'éviter la prolifération de champignons néfastes (comme par exemple "Venturia inaequalis", responsable de la "tavelure du pommier")
- une attention toute particulière au sol: favoriser l'humification, l'activité biologique et la vie microbienne
-aller vers une ferme diversifiée, autonome, et durable

Depuis quelques années, la ferme est donc passé en "agriculture bio-dynamique" (pour plus d'infos, voir ce site).

On retrouve sur la ferme quelques animaux: une vache Tarine répondant au joli nom de "Mercédès", 3 chèvres, 3 chevaux et des poules.
Les animaux, lorsqu'ils pâturent, via leurs excréments, participent à la fertilisation naturelle des sols. Le fumier récupéré dans l'écurie est composté avant d'être épandu.
Mercédès et les chèvres sont traites, le lait est transformé en fromages dans un petit local aménagé. La consommation de fromage à la maison est donc conséquente, mais il est tellement excellent qu'on en redemande! Et puis le surplus est échangé, troqué, avec des voisins, amis, contre des légumes, de la crème de marron, ...


Mercédès et ses ami(e)s.


--> Céréales: blé et petit-épeautre

Évidemment, les variétés ont été choisies rustiques et adaptées aux conditions locales (sol et climat). Loin de la course au rendement, l'idée est d'intervenir le moins possible sur les cultures, et de bien les valoriser pour compenser les petits rendements. Toute la moisson est donc valoriser sur place, en produisant de la farine, avec un moulin du Tyrol. Cette farine est ensuite vendue directement à la ferme ou sur le marché de Die, à des particuliers et boulangers.
Cette farine donne un bon pain, aux excellentes qualités nutritives, bien loin du pain blanc traditionnel de nos boulangeries!

Le moulin du Tyrol.


Même les intolérants au gluten peuvent le consommer! Ce n'est pas qu'il ne contient pas de gluten, puisqu'il en possède, mais le gluten issu de variétés anciennes ou rustiques est assimilable par quasi  tous, puisque "simple", et en moins grande quantité. Grossièrement, à force de sélection pour le rendement et pour une panification rapide, homogène et facile, la quantité de gluten contenue dans le pain n'a fait qu'augmenter, avec un gluten dont la chaîne moléculaire s'est de plus en plus complexifiée, et donc de moins en moins facile à être découpée et digérée par notre organisme, ce qui a provoqué la multiplication de cette maladie d'intolérance au gluten.

La paille, issu de la récolte du blé et du petit-épeautre, représente une quantité trop importante pour la seule utilisation en litière des quelques animaux. Elle est donc donnée à des éleveurs voisins, puis récupérée en fumier, qui sera composté avant d'être épandu pour une fertilisation naturelle des champs.

--> Fourrages: luzerne et foin

Les fourrages permettent de faire des rotations de culture sur les champs, une fertilisation naturelle (engrais vert avec la luzerne, pour sa capacité à fixer l'azote de l'air dans ses nodosités, présentent sur ses racines), et de nourrir les animaux.
Une partie du foin et de la luzerne est également vendue à des éleveurs voisins qui ne possèdent pas de terre.


Parlons médecine alternative: homéopathie hahnemannienne uncisite...

Dominique est médecin. Elle tient un cabinet à Die, et est très demandée par de nombreux patients qui ne veulent plus, ou ne croient plus en la médecine conventionnelle. Ses patients viennent de toute la Drôme, parfois même d'autres département et d'autres régions!

Nous avons tous déjà entendu parlé d'homéopathie, et nous connaissons tous des médecins dits homéopathes. Je suppose que pour la plupart d'entre nous, si on nous dit homéopathie, on pense à:
- médecine douce/naturelle
- plantes et granules

Cependant, c'est très réducteur, surtout si on aborde le sujet de l' "homéopathie uniciste hahnemannienne". En fait, c'est l'homéopathie originelle, inventée par Samuel Hahnemann, un médecin allemand du 18ème siècle.

Il est pour moi difficile de trouver les bons mots pour résumer et expliquer clairement ce que j'ai compris de l'homéopathie. Je préfère donc réutiliser ce que j'ai trouvé sur internet, et qui m'a l'air de bien concorder avec les discussions que j'ai eu avec Dominique. Ci-dessous, vous trouverez donc une petite entrée en matière tirée de ce site, que je vous invite à consulter pour plus d'infos, et qui je pense est assez clair et simple à suivre.

En suivant ce lien, vous trouverez également le témoignage d'une consultation.

Personnellement, je trouve cette approche vraiment très intéressante. Le hic, c'est qu'on ne sait toujours pas "comment" fonctionne l'homéopathie, surtout lorsque qu'on sait qu'à partir d'un certain taux de dilution, les molécules du principe actif ne sont plus présentes dans le rémède, ce qui fait intervenir une notion étrange de "mémoire de l'eau"...
Personnellement, j'y crois... non pas par mon expérience personnelle, mais via des lectures et des discussions avec Dominique, Jean-Marie et des éleveurs soignant leurs animaux par homéopathie.
C'est aussi une remise en question de "qu'est qu'une maladie?". Si on raisonne d'un point de vue strictement mécanique, en médecine allopathique (conventionnelle), ca donne: tels symptômes = tels médicaments. On cherche donc à supprimer le symptôme.
Avec une approche globale, on se demande plutôt le pourquoi des symptômes... et si comprend et on traite le pourquoi, on pourra faire disparaitre durablement la maladie. Si on reste sur le schéma classique qui vise à supprimer les symptômes, on pourrait aller jusqu'à dire que c'est un raccourci non durable, puisque qu'on traite les symptômes et non leur cause... ce qui laisse la porte ouverte à une prochaine maladie...

L'homéopathie apparait pour beaucoup (moi y compris), comme assez obscure, puisqu'elle n'est toujours pas expliquée par les scientifiques... c'est une médecine de l'observation et de l'expérience.
Pourquoi n'y a t-il pas plus de recherches sur cette médecine...?
Peut-être tout simplement parce que quand on commence à se rendre compte quels enjeux financiers se cachent derrière l'industrie pharmaceutique... quelques uns très (trop) influents auraient bien trop à perdre ...?

LES PRINCIPES FONDAMENTAUX

En homéopathie, le choix d’un traitement s’effectue selon trois principes fondamentaux : similitude, globalité et individualisation. Quant aux remèdes homéopathiques, leur préparation est bien spécifique : ils sont « dilués et dynamisés ».

La loi de similitude
Le premier principe est la « loi des semblables » ou « loi de similitude » : « toute substance capable de provoquer chez l’homme sain et sensible un ensemble de symptômes est capable, à dose extrêmement faible (infinitésimale), de faire disparaître un ensemble de symptômes semblables chez l’homme malade ».
Prenons l’exemple du café : chez des sujets sensibles à son action, sa trop grande consommation provoque une insomnie, une excitation intellectuelle et des palpitations. Si ces mêmes symptômes sont présents chez une personne malade, le café à dose infinitésimale, dénommé « Coffea », sera l’un des médicaments à envisager.

Une conception globale de la maladie
Pour l’homéopathe, la maladie est consécutive à une rupture de l’équilibre énergétique qui touche d’emblée la totalité de l’individu. L’être humain est un ensemble indivisible, corps et esprit sont constamment interdépendants. Les symptômes pour lesquels le patient consulte sont à intégrer dans cette cohérence d’ensemble.

L’individualisation de chaque patient
Chaque patient vit ses troubles à sa façon, suivant un mode qui lui est personnel et original. Il s’agit alors de trouver le remède du patient, et pas seulement celui de sa pathologie. A diagnostic identique, malade différent, remède différent !
Ces principes fondamentaux sont issus d’une démarche expérimentale stricte et d’observations cliniques minutieuses.
La loi de similitude est à la base de la médecine homéopathique
. C’est ce qui la distingue de toutes autres méthodes thérapeutiques existantes, qu’il s’agisse de la médecine « conventionnelle » ou des autres pratiques « alternatives ».


Parlons alimentation...

Ici, on ne consomme que du bio et du saisonnier, en privilégiant évidemment une production locale, sans toutefois refuser d'avoir qq tablettes de chocolat d'avance! Cependant, "manger bio" ne rime pas seulement avec "manger sain": cela implique également un choix militant de consommer des aliments produits sans dénaturer les plantes et le sol avec des produits chimiques.
En toute logique, on ne consomme de la viande qu'en petite quantité, et on sait exactement qui a élevé la bête, où elle a grandi, comment elle a été nourrie, et comment elle a été tuée.
En parlant de viande, j'ai aidé la famille à "charcuter" un cochon... élevé et abattu chez un voisin. Expérience vraiment pas exaltante, mais très enrichissante sur notre rapport à la viande.
Le jour où le cochon a été tué (un coup de carabine dans la tête pendant qu'il mange:  propre, rapide, et sans souffrance pour l'animal), nous sommes arrivés une fois le cochon mort (ce qui m'a arrangé, je pense que l'exécution m'aurait mis mal à l'aise). Aussitôt, il faut "gratter" la première peau et les poils, en l'arrosant d'eau bouillante. C'est une étape pas très emballante, surtout en sachant que qq minutes plus tôt, ce cochon était le nez dans la mangeoire, tout content de déguster sa ration avec ses copains à queue en tire-bouchon.
Le lendemain, découpage/charcutage du cochon: on fabrique des saucissons, des saucisses, des terrines, des caillettes, du pâté de tête, ...
C'est donc une journée passée les mains dans la viande, en sachant exactement de quel animal elle provient, et l'imaginant parfaitement gambader en toute tranquillité dans son champ...

Au repas suivant, je ne me sens pas très à l'aise avec le morceau de viande dans mon assiette... mais je le trouve bon, meilleur que d'habitude même, et rassuré de savoir que la bête a eu une vie plutôt confortable pour un cochon.
D'après Jean-Marie, toute personne qui consomme de la viande devrait être capable de tuer l'animal dont il veut se nourrir, pour bien prendre conscience que la viande vient d'un être vivant qui a été tué pour nous nourrir, et que les conditions d'élevage et d'abattage sont extrêmement importantes:
- d'un point de vue gustatif
- d'un point de vue moral (je pense que si vous visionniez une vidéo d'abattage en série d'animaux élevés industriellement, vous n'auriez vraiment pas envie de manger de la viande, à moins d'être insensible...)

Toutes ces discussions autour de l'alimentation sont pour moi assez déstabilisantes...  et représentent des prises de conscience désagréables. Je n'ai pas envie, chaque fois que je mange par exemple un biscuit, de me demander avec quel blé il a été fabriqué, d'où vient ce blé, quels traitements phytosanitaires il a reçu, etc...
Clairement, se sont des questions qu'on n'a pas envie de se poser, puisque dans le fond, on n'a pas vraiment envie de connaître la réponse... mais une meilleure conscience du monde dans lequel nous vivons doit forcément passer par là...


Parlons relocalisation alimentaire...

La farine et les pommes sont vendus soit sur le marché, soit à la Carline, une boutique coopérative bio de Die.
La Carline est une structure assez atypique. A l'origine, c'est un groupement d'acheteurs: plusieurs familles se réunissent pour acheter en plus grandes quantités, et donc moins cher, des produits bio. Avec le temps, le nombre de personnes augmente, et des producteurs locaux fournissent les consommateurs. Aujourd'hui, la Carline est une SCIC (Société Coopérative d'Intérêts Collectifs), avec plusieurs salariés, une trentaine de producteurs bio locaux, où s'approvisionnent plus de 1000 familles dioises.

La Carline se caractérise par une mission d'intérêt collectif, statutaire et utile à tous:
- porter un projet économique autour des produits locaux et biologiques, en développant un commerce local, respectueux des producteurs, des distributeurs et des consommateurs (en d'autres termes, tout le monde est censé s'y retrouvé: le prix des produits étant fixé par la Carline et les producteurs, en minimisant la marge pour le Carline, en la maximisant pour le producteur; et un coût abordable pour les consommateurs, en limitant les intermédiaires)
- informer, de former les habitants du territoire aux enjeux de l'agriculture et de l'écologie.






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