8 juil. 2014

Mon compagnonnage, de février à fin juin 2014



A de nombreuses reprises et pendant plusieurs jours, j'ai tenté de rédiger des articles sur le déroulé de mon compagnonnage, les lieux où je suis passé, les chantiers réalisés,… mais l'expérience est tellement dense que je n'en vois pas le bout, et je ne me sens pas l'énergie de revenir finement sur ces 5 mois ultra-remplis.
J'ai donc décidé de me recentrer sur une forme de retour plus condensé, forcément très incomplet, mais reprenant ce qui me paraît intéressant de partager ici.
Pour avoir un aperçu plus concret du compagnonnage et vous faire une idée "en images" de ce que j'ai pu y vivre, voici quelques liens et galeries photos à consulter :

 
Notre chantier: à partir d'une parcelle nue dans des jardins partagés, créer un jardin pédagogique pratique et ergonomique, pour accueillir des enfants de 3 à 11 ans
 
  • Groupe Action au Battement d'Ailes (2 semaines et demi) --> galerie photos
 Nos chantiers: réaliser des bacs de culture sur des terrasses agricoles, et construire une structure en bois, avec des troncs de mélèzes, qui servira d'ombrière

 

Notre mission: réaménager l'entrée de la ferme pour en faire un lieu accueillant et qui exprime le projet et les activités de l'association, tout en améliorant l'outil de travail



J'avais déjà postulé pour le compagnonnage de 2011, mais ma candidature n'avait pas été retenue, ce qui avait été une des raisons qui avaient motivé mon départ à vélo quelques mois plus tard, me lançant ainsi dans une forme de compagnonnage autonome à ma sauce.
Je pense, avec le recul, que cela a peut-être été mieux ainsi, car à l'époque, j'étais encore très loin du monde des alternatives, et l'écart aurait été probablement très grand, me mettant dans une expérience particulièrement déroutante, que j'aurais peut-être eu plus de mal à ressentir comme constructive.
Mais j'avais tout de même gardé en moi l'envie de me frotter à cette formation  que j'envisageais comme une expérience collective et humaine particulièrement forte.

Ma motivation première pour ce compagnonnage REPAS était de rencontrer et m'immerger dans des structures alternatives visibles, inclues dans la société, avec des contraintes économiques et de production, mais arrivant à fonctionner autrement, selon les principes de la coopération et de l'autogestion, en cohérence avec des valeurs sociales, humanistes et écologiques. Et pourquoi pas rencontrer une structure où j'aurais le goût de m'investir, ou des personnes avec qui lancer un projet collectif.

Cette année 2014, nous étions 23 (16 compagnonnes et 7 compagnons), âgés de 22 à 37 ans, avec des profils, des origines, des parcours, des formations, des milieux familiaux, très différents, mais réunis par la motivation commune de vivre une expérience du faire-ensemble très forte, porteuse de sens et de clés pour nos avenirs respectifs.

Dans tous le processus du compagnonnage, nous ne nous nous sommes jamais choisis par affinités de personnes. Lors de la première période, c'est un tirage au sort qui a déterminé les lieux où chacun était envoyé, ainsi que la composition des groupe-action. En deuxième période, c'est par affinité d'objectifs que notre groupe-action s'est constitué.
Ce principe de tirage au sort, et de se rassembler par affinité d'objectifs, est une composante majeure car elle implique d'accepter de se lancer dans une expérience particulièrement percutante du vivre-ensemble et du faire-ensemble sans se choisir.

Très souvent, dans nos vies habituelles, nous sommes nombreux à penser, voire même à être convaincus, que nous sommes des êtres facile à vivre, conciliants, et prédisposés à vivre de belles expériences collectives.
A travers ce compagnonnage, nous nous mettons dans une situation où, avec des personnes que nous n'avons pas choisi, il va falloir tout à la fois vivre ensemble et travailler ensemble, trouver des terrains d'entente pour le quotidien (alimentation, tâches ménagères, sorties, rythmes, budget), et pour le travail (processus décisionnel, façons de faire, organisation, responsabilités, distribution des tâches,…) avec une contrainte de temps et un objectif de réalisation.

A mes yeux, c'est une véritable défi, et cela implique beaucoup de confrontations qui, si elles sont menées intelligemment, ouvertement et avec bienveillance, ne peuvent que nous faire grandir.

Ce parcours, très axé sur des expériences concrètes, le fameux "P" de "pratiques" dans l'acronyme REPAS, est un support pour révéler de nombreux questionnements que l'on a tenté d'explorer autant individuellement que collectivement :
  • Spécialisation / polyvalence
  • La répartition des tâches entre hommes et femmes, qui soulève la question de "genre"
  • La prise de pouvoir par la compétence
  • L’accompagnement mutuel vers l'autonomie
  • La transmission de savoirs et compétences
  • La pédagogie
  • Savoir lâcher-prise sur l'objectif pour laisser plus de place à l'apprentissage
  • Quelle place pour l'initiative personnelle dans un projet collectif
  • Quel décisions doivent se prendre collectivement ou individuellement
  • Savoir faire la distinction entre ses caprices (et apprendre à les lâcher) et ses véritables besoins (et apprendre à les défendre)
  • Savoir reconnaître et accepter une meilleure idée que la sienne
Cette expérience de compagnonnage a été pour moi extrêmement nourrissante. C'est un véritable catalyseur de remises en questions, souvent inconfortable car très confrontant, mais tellement enrichissant. Elle m'a apporté une meilleure connaissance de moi-même et de mon fonctionnement au sein d'un groupe, une meilleure connaissance de ce que ma personne peut apporter de bon dans un fonctionnement collectif, une validation de mon désir de m'engager dans un projet de travail collectif et coopératif, et de savoir que ça existe, que ça fonctionne, et que ce n'est pas une utopie!

Mais j'ai aussi observé que je pouvais parfois m'oublier et me diluer dans le groupe, privilégiant parfois un peu trop l'intérêt collectif par rapport à mes besoins personnels. C'est aussi une expérience que j'ai parfois ressentie comme trop dense, trop "presse-citron", de par le rythme du cursus et la pression autour des questions "Qu'est ce que je viens chercher ? Quels sont mes objectifs ? , etc…".

Je suis aussi ressorti de ce compagnonnage avec une déception, celle de ne pas me sentir beaucoup plus avancé sur mes envies, de ne pas avoir de projet concret qui se soit révélé. Alors à moi d'accepter que ce n'est pas encore maintenant que je vais me lancer concrètement dans un projet, et me contenter de tout le bon que cela m'a apporté.

Globalement, et pour conclure : ce compagnonnage aide à mieux savoir trouver sa place dans un groupe, comprendre les enjeux et les dynamiques de fonctionnements collectifs, accepter les différences, comprendre les comportements des autres, conjuguer les complémentarités plutôt qu’opposer les différences, enrichir son sens critique des questions de société, acquérir de nouveaux savoir-faire et développer de nouveaux savoir-être.

Et pour finir, une petite phrase bien connue, mais qui à travers le compagnonnage, a pris pour moi une consistance bien supérieure :

"Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin, et on peut soulever des montagnes !"


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