Au début des années 70, le Viel Audon n'était qu'un ensemble de ruines, recouvertes de lierre, difficilement accessible puisque coincé entre des falaises et la rivière de l'Ardèche. Cela faisait près de 100 ans que ce hameau était à l'abandon, lorsque quelques utopistes le découvrirent. Ils eurent le coup de foudre et entreprirent l'improbable projet de faire revivre ce lieu...
A force de volonté et de solidarité, le Viel Audon s'est petit à petit reconstruit, essentiellement grâce à des chantiers de jeunes en période estivale. Plus de 10 000 volontaires ont participé à la reconstruction du hameau.
Le hameau en ruines en 1969. |
La même vue en 2008. |
--> l'association Le Mat, centre de formation et d'éducation à l'environnement et au développement durable
--> l'exploitation agricole, qui comporte de nombreux volets:
- l'élevage de 40 chèvres, qui entretiennent le territoire en broutant les quelques parcelles en herbe, et éclaircissent la garrigue
- la transformation du lait en fromages
- la culture et cueillette sauvage de plantes aromatiques pour fabriquer des sirops
- un petit peu d'apiculture
- une boutique de vente des produits du hameau et de producteurs locaux, avec un service de petite restauration
Le travail lié à l'exploitation agricole est géré collectivement. Cela demande d'aménager des temps de concertation pour définir les plannings et prendre les décisions, mais cela permet à chacun de toucher à tout, et d'éviter toute routine.
L'accès au hameau ne peut se faire qu'à pieds, en suivant l'Ardéche depuis Balazuc sur un petit kilomètre, ou depuis le plateau par un sentier muletier.
Le hameau du Viel Audon, entre Ardèche et falaises. |
L'absence d'accès routier implique un profond raisonnement entre ressources et besoins: le compost des toilettes sèchent va au verger, les cochons se délectent des déchets organiques et du petit lait de la fromagerie, l'eau chaude vient de panneaux chauffe-eau solaires, une partie de l'électricité est produite grâce aux panneaux photovoltaïques, le verre est pilée pour remplacer le gravier dans le béton, le sable et les galets de l'Ardèche prennent place dans les murs reconstruits, etc...
Pour les autres besoins (alimentation, matière première, matériaux, etc...), ils sont acheminés à dos d'homme ou via les "trabinettes" (une sorte de chariot thermique à chenille).
Ce que j'ai vécu au Viel Audon:
La première semaine a été très diversifiée. J'ai touché à la plupart des activités du hameau: traite des chèvres, entretien des pâtures, vente à la boutique, fabrication de sirops de thym et romarin, atelier pain cuit au four à bois avec les enfants de la colo, construction d'un mur de galets avec une groupe d'allemands en chantier d'insertion, et une journée de boulangerie dans un fournil mobile (30kg de pâte à pétrir à la main à 4h30 le matin, ça réveille!).
La deuxième semaine, j'ai basculé sur le chantier de jeunes, le "coeur" de la reconstruction du Vieil Audon. A la mi-juillet, le groupe des "jc" (jeunes de chantiers) compte 70 personnes, entre 15 et 25 ans, qui chaque matinée, travaille à la rénovation du hameau ou au bon fonctionnement du camp: maçonnerie, cuisine, chantier bois, pain, mur en pierres sèches, etc.
Le début d'après midi est synonyme de quartiers libres, mais l'aide à la bonne organisation est plus que la bienvenue. Le séjour se faisant en auto-gestion, il y a toujours quelques chose à faire, comme la vaisselle, du ménage, aller chercher de l'eau, récolter des légumes,...
La fin d'après midi est marqué par le chantier collectif. Faire une chaîne de sable ou de galets à 70 personnes permet d'approvisionner vite et bien les chantiers du lendemain!
La matinée du jeudi est souvent réservée à une "descente de falaise": des allers-retours entre le hameau et le plateau, avec sur le dos une botte de paille, de foin, un sac de ciment, ou des cartons de nourriture. C'est une des conditions nécessaires pour pouvoir approvisionner le chantier en nourriture, et les chèvres en paille et foin!
Campement du chantier de jeunes. |
Maçonnerie avec des galets de l'Ardèche. |
Mes impressions:
--> L'histoire de la reconstruction du Vieil Audon force l'admiration. Il est difficile d'imaginer que ces bâtisses, ces charpentes, ces murs de pierres, ces toitures, ces terrains agricoles aient été réhabilités grâce à la volonté et à la solidarité de tant de jeunes, dans un projet commun de créer un lieu de vie collectif et alternatif. Le résultat est tout autant bluffant que splendide.
--> Le Viel Audon est un lieu "ouvert", c'est à dire que n'importe qui peut venir s'y promener, regarder, se renseigner, s'informer, sur de nombreux thèmes portant sur la coopération, l'agriculture, l'écologie pratique, etc...
L'été, l'afflux touristique dans les gorges de l'Ardèche est très important, et de très nombreuses familles le parcourent.Le contraste entre les "mangeurs de glace en maillot de bains" et les habitants du hameau, inscrits dans une vie plutôt nature et en partie isolée, est saisissant!
--> Le Viel Audon est à la base un lieu de vie collectif. Aujourd'hui, l'aspect collectif est toujours très présent dans l'organisation et le partage du travail, mais beaucoup moins dans la vie de tous les jours. Globalement, on travaille ensemble, puis chacun rentre chez soi le soir. Je comprends ce besoin, surtout quand on vit à l'année au hameau et que certains habitants ont des enfants.
Pour ma part, j'ai trouvé difficile moralement de passer la plupart des soirées seul avec mes sacoches et ma tente.
Mais c'est aussi une période charnière: actuellement, une partie des habitants du hameau réfléchissent à partir vers de nouvelles expériences, l'implication dans la vie du hameau est donc moindre.
--> Le chantier de jeunes m'apparaît comme une expérience formidable à vivre pour les jeunes de 17 à 25 ans. L' "autogestion" et le "faire ensemble" amènent à s'ouvrir aux autres, échanger, coopérer, prendre des initiatives. Les activités du chantier permettent aux jeunes de toucher à tout et de multiplier les apprentissages: cuisine, jardin, maçonnerie, bricolage, ...
Le "faire ensemble" et la "coopération" démontrent qu'en se rassemblant, les tâches physiquement éprouvantes prennent une autre dimension: approvisionner en sable ou en galets le chantier du lendemain parait titanesque, mais en faisant une chaine de 70, c'est possible, avec la bonne humeur en prime! Tout comme descendre de la falaise 10 tonnes de paille et foin en une matinée seulement!
C'est une belle expérience que j'aurais aimé faire lorsque j'avais 20 ans! (aujourd'hui, c'était un peu plus difficile, je me suis senti un peu en décalage avec la moyenne d'âge de 18 ans du groupe).
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